vendredi 15 novembre 2013
RAPHAEL GUALAZZI - Happy Mistake (2013)
Depuis Paolo Conte, les artistes italiens (Eros Ramazzotti,
Laura Pausini, Zucchero) qui ont rencontré un certain écho
dans notre hexagone répondent tous au format variété avec un peu de pop,
un peu de rock. Raphael Gualazzi, qui vient de fêter ses 32 ans,
est un pianiste et chanteur qui appartient à la platène jazz. Un jazz
joyeux imprégné de soul et de pop comme en témoigne son troisième et
dernier opus, "Happy Mistake" sorti sur le
prestigieux label Blue Note, un disque qui fait du bien.
C’est plein d’humour et d’énergie, ça parle anglais et italien, ça donne la pêche et souvent envie de se dandiner.
Après le sage titre d'ouverture "Baby What's Wrong", presque trop sérieux pour figurer au menu d'un album revigorant, son nouveau morceau emblématique, le tres swing "Don't Call My Name" aux accords de piano bastringue en guingois, part rapidement en vrille vers un gospel déjanté. De quoi émoustiller les sens pour la suite qui se révèle éclectique entre la chanson traditionnelle "Un Mare in Luce" (voir la vidéo), le magnifique duo "L'Amie d'un Italien" avec la chanteuse française Camille en virée transalpine, le sprint mélodique "Senza Ritegno" et l'instrumental "Questa o Quella Per Me Pari Non Sono".
Album joyeux et sans gras, "Happy Mistake" se laisse dévorer d'une traite et offre d'autres moments forts comme l'irrésistible "Seventy Days of Love", la grande ballade romantique "Sai (Ci Basta in Sogno)", le bluesy "Welcome to My Hell" avec The Puppini Sisters ou le fellinien "Improvvisazione Su Temi di Amarcord". En grand maître des ambiances, Gualazzi enchante et rassasie. Un vrai bonheur.
"Happy Mistake" est une suite de chansons jazz en ébullition, un album spontané aux ambiances très diverses. Un morceau soul brûlant, un mambo, puis une balade extrêmement mélancolique, la trompette et le swing ne sont jamais loin. L'écriture est imparable avec, pour ancrage, ce jeu de piano stride, typique du jazz apparu à Harlem dans les années 20. Pour apprécier cet album, aimer le piano n'est pas indispensable mais ça peut aider...
Egalement à écouter : Reality & Fantasy (2011).
Extrait : Don't Call My Name
Extrait : Senza Ritegno
Extrait : Mambo Soul
lundi 19 novembre 2012
BOBBY McFERRIN - Vocabularies (2010)
C'est à un instant d'éternité, à un moment de grâce a cappella,
qu'aujourd'hui je vous convie. Aux antipodes de ce que l'on peut écouter
jour après jour à la radio, l'artiste du tube planétaire "Don’t
Worry, Be Happy" (1988) et aux dix Grammy Awards revient après 8
ans de silence avec un projet ambitieux qui a nécessité sept ans de
travail. C'est aussi un des albums les plus complexes jamais réalisés.
Les voix des 50 chanteurs, tous de haut niveau, ont été enregistrées
individuellement ou en petits groupes avant d'être assemblées afin de
créer un choeur virtuel et c'est ainsi plus de 1400 pistes vocales qui
ont été captées pour les sept pièces du programme, le mixage a dû être
sympa ;-).
Ce disque emprunte à une large palette d'influences, allant de la musique classique à la world music, du R&B au gospel et au-delà, à tout ce qui contribue depuis longtemps à façonner le style innovant de McFerrin. Les textes mêlent le latin, l'italien, le sanskrit, le zoulou, l'espagnol, le russe, l'hébreu, le portugais, le mandarin, le japonais, le français, l'arabe, l'allemand, l'anglais, le gaélique ainsi que la propre langue inventée par Bobby. Leur signification littérale est secondaire par rapport à la richesse sonore créée par des harmonies qui changent constamment. Bien que les voix prédominent, des instruments ont été ajoutés avec parcimonie au premier rang desquels des percussions jouées par Alex Acuña (ex. Weather Report) ou programmées par Roger Treece, le producteur de l'album.
Les sept compositions sont toutes définies par leur aspect ludique et leur rythme contagieux. Les différents choeurs répartis suivant les tessitures basse, ténor, alto et soprano forment des harmonies éblouissantes sur lesquelles la voix lead de Bobby McFerrin mais aussi d'autres solistes tels que Janis Siegel (Manhattan Transfer), Lisa Fischer étoile du R&B et la star Brésilienne Luciana Souza, surfent avec bonheur.
De "Baby", pièce en ouverture, au recueillement liturgique "Brief Eternity" en clôture hypnotique, en passant par la légèreté brésilienne et le sens de la percussion indienne dans "Say Ladeo" (voir la vidéo), les extases vocales de "He Ran For The Train" et le safari en Afrique avec "Wailers", Bobby McFerrin nous offre une célébration kaléidoscopique de la voix humaine pour une musique toujours en mouvement.
Line-up : Bobby McFerrin and over 50 amazing singers (Roger Treece, Lisa Fischer, Joey Blake, Kim Nazarian, Janis Siegel, La Tanya Hall, Luciana Souza, etc...) - Alex Acuña (percussion) - Donny McCaslin (saxophone) - Pedro Eustache (woodwinds) - Roger Treece (percussion, synthesizer programming, producer).
Extrait : Baby
Extrait : Wailers
dimanche 03 juin 2012
NDIDI O - The Escape (2011)
Ndidi O (Onukwulu de son vrai nom) est une chanteuse
d'origine canadienne, fille d'un batteur Nigérian et d'une danseuse. Sa
voie rauque et sa musique absolument inclassable, une fusion de blues,
folk, gospel, soul et jazz, m'avaient déjà séduit en 2009 à l'occasion
de la sortie de son premier disque européen, une compilation de "No,
I never" (2006) et "The Contradictor"
(2008) deux galettes qui n’ont pas franchi les frontières de sa terre
natale. Avec "The Escape" cette jeune femme encore
méconnue a livré un des meilleurs disques de l'année 2011.
Ce nouvel album est aussi frais et entraînant que "Move Together", son prédécesseur. La chanteuse (et guitariste) a mis les petits plats dans les grands en faisant de la musique le langage de ses émotions, évoquant ses envies et ses déceptions dans les registres évoqués ci avant. D'entrée la Canadienne envoûte avec "The Whisper", premier extrait de "The Escape", une fuite enthousiasmante. Elle réussit une fois encore à convaincre avec "On The Metro" dont le clip a été tourné en noir et blanc dans les rues de la capitale française où elle vient de s'installer.
Tout au long des 12 plages qui composent cette échappée, Ndidi privilégie les climats plus acoustiques et un tantinet plus jazzy mettant en valeur sa voix, une sorte de compromis entre douceur et gravité. Elle revisite tout un patrimoine musical allant de la country/folk au jazz avec une dose de blues "Old Road". Une des grandes réussites du disque "Waiting For a Sign" offre un profil différent, bénéficiant d’une attaque plus rockabilly. En dehors de ce petit coup de sang, on pourrait parler de disque d’ambiance associant titres rythmés "Heart Of Steal", "The Escape" et beauté feutrée sans à-coups ni aspérité "Kissing On a Bridge", Little Dream", "It Isn't You". Une sorte de disque apaisé, mélodique, parfait pour une écoute estivale et nocturne, qui rappelle les grandes heures de Norah Jones ou Katie Melua.
Egalement à écouter : Move Together (2009).
Extrait : On The Metro
Extrait : Crossing The Line
Extrait : Little Dream
Modifié le : samedi 16 février 2019 5:20 PM
Categories: Blues, Folk, Jazz Vocal
lundi 28 novembre 2011
SUSANNE ABBUEHL - Compass (2006) - April (2001)
De tous les disques écoutés ces dernières semaines, c'est
incontestablement ceux de Susanne Abbuehl qui m'ont le plus
marqué. Une fois n'est pas coutume je vais vous parler de deux
enregistrements terriblement singuliers et atypiques, "April"
paru en 2001 et "Compass" édité en 2006.
Leurs traits communs : un style minimaliste, un rythme ralenti jusqu’à en être quasiment réduit à néant, des silences omniprésents qui permettent à l’âme musicale du disque de pénétrer un peu plus profondément le cœur de l’auditeur. Musique atypique comme le parcours de cette chanteuse suisse allemande née en 1970, ayant commencée à jouer de la harpe et de la musique baroque avant de partir à Los Angeles et de revenir terminer ses études musicales au Pays-Bas. Par la suite elle s'est rendue plusieurs fois en Inde pour y étudier le chant indien classique.
Si "April", une véritable perle saluée par la critique internationale, est un patchwork de chants indiens, de poèmes d’E.E Cummings et de morceaux de Carla Bley, un tourbillon d’émotions et de sons tout en retenue, "Compass" est d'une plus grande unité artistique qui nous balade entre jazz et folk songs, du côté de chez Joyce, Berio, Sun Ra, Chick Corea, Feng Meng-Lung un poète de la dynastie Ming.
Son répertoire est déjà une affirmation de son originalité. Le tout est servi par un chant, à l’écart de tout éclat mais ô combien brillant, magnifiquement mis en valeur par le piano onirique de Wolfert Brederode, les clarinettes hypnotiques de Christof May et Michel Portal (uniquement sur "Compass") et les sensuelles percussions de Lucas Niggli.
Il faut prendre le temps d’écouter et réécouter ces éloges de la lenteur qui ne sont pas à recommander aux gens pressés. Des odes à la liberté musicale à écouter devant un feu de cheminée, un espace où le temps n’est plus une contrainte.
Extrait : Yes Is A Pleasant Country
Extrait : Sea, Sea
lundi 25 octobre 2010
ANNA MARIA JOPEK & PAT METHENY - Upojenie (2002)
Anna Maria Jopek est une chanteuse polonaise et une artiste
déjà confirmée dans son pays lorsque sort en 2002 l'album "Upojenie",
fruit de sa collaboration avec le guitariste américain Pat
Metheny. En fait, cet album est un assemblage plutôt réussi de
chansons traditionnelles polonaises et de titres piochés dans l'immense
discographie du guitariste et rearrangés pour l'occasion.
Cet album charismatique oscille entre folklore local et jazz en passant par la bossa façon Eliane Elias pour une musique tendre et sensuelle. Anna Maria chante en polonais quelques-unes des plus belles ballades de Pat Metheny qui omniprésent, colorise et nuance les saveurs qui parcourent ses mélodies.
On se plait et on s'amuse à reconnaître quelques morceaux enigmatiques du guitariste derrière d'improbables titres en polonais comme par exemple "So May It Secretly Begin" de l'album "Street Life Talking" derrière "Mania Mienia", "Follow Me" de l'album "Imaginary Day" derrière "Tam, Gdzie Nie Siega Wzrok" ou bien encore "Another Life" de l'album "Speaking Of Now" derrière "Me Jedyne Niebo".
Un très bel album qui a offert la reconnaissance internationale à Anna Maria Jopek et que l'on préferera à sa copie de 2008 avec les textes traduits en anglais. C'est une surprise, mais la langue polonaise se prête bien au jazz à moins que cela ne soit le contraire. Un grand moment de douceur et de sérénnité. Il faut juste se poser et laisser aller ses oreilles, la tête et le cœur suivront.
Line-up : découvrez d'excellents musiciens.
Egalement à écouter : Anna Maria Jopek : Secret (2008) - Pat Metheny : Offramp (1983) - Street Life Talking (1987) - Letter From Home (1989) - Secret Story (1992) - Imaginary Day (1997) - The Way Up (2005).
Extrait : Upojenie
Extrait : Mania Mienia
lundi 11 octobre 2010
NIKKI YANOFSKY / Nikki (2010)
Mon coup de coeur de la semaine sera pour le premier album studio de
la jeune chanteuse de Montréal, Nikki Yanofsky. Agé d'à
peine 16 ans, elle possède une voix en or et chante comme si elle avait
20 ans de métier (illustration avec la vidéo proposée en cliquant sur
l'image ci-contre).
Réalisé par Phil Ramone (Ray Charles, Frank Sinatra, Burt Bacharach, Paul Simon) et Jesse Harris (Norah Jones), ce disque alterne (au sens propre) titres jazz et morceaux pop-jazzy à la Norah Jones ou Katie Mélua, les uns comme les autres étant dopés à grand renfort de cuivres. Un opus sur lequel on retrouve des classiques comme "Take The "A" Train" de Duke Ellington, "God Bless The Child" écrit par Billie Holiday et "Over the Rainbow" chanté par July Garland dans le Magicien d'Oz ainsi que des compositions co-écrites par l'adolescente. La chanteuse Feist a également concocté un titre tout spécialement pour Nikki, la chanson "Try, Try, Try".
Cet album reflète donc l'amour de la jeune fille pour la pop traditionnelle, la soul et le jazz (on connait son admiration pour Ella Fitzgerald depuis qu'elle a enregistré en 2007, à seulement 13 ans, "Airmail Special" pour l’album "We All Love Ella Celebrating the First Lady of Song", avec entre autres Diana Krall et Natalie Cole, et sorti en 2008 son premier album de jazz toujours dans le cadre d'un hommage appuyé à Ella son artiste préférée, "Ella... of Thee I Swing" enregistré en live le 11 octobre 2007 à la Place des Arts de Montreal).
Ce mélange des genres n'est pas sans me rappeler Jamie Cullum, un artiste qui rencontre un certain succès. Il y a tout de même un risque à chercher à plaire à tout le monde, c'est de ne satisfaire personne. L'amateur de jazz comme celui de musique pop, n'y trouvant finalement pas totalement leurs comptes. Espérons que cette jeune chanteuse au devenir prometteur saura trouver sa voie.
Egalement à écouter : Ella...of Thee I Swing (2008).
Extrait : On The Sunny Side Of The Street / Fool In The Rain
vendredi 02 avril 2010
MARIO BIONDI / A handful of soul (2007)
Mario Biondi est un chanteur italien doté d'une très belle voix
chaude et sensuelle de crooner américain que l'on pourrait rapprocher de
celle d'un Barry White.
Si son dernier album (If sorti fin 2009) est plus orienté Soul, je lui préfère cet album ci dans lequel il associe la Soul et le Jazz avec une évidente exigence de qualité servi en cela par le High Five Quintet, formation de jazz qui connait un certain succès en Italie depuis plusieurs années et dans laquelle jouent Fabrizio Bosso à la trompette et Daniele Scannapieco au saxophone qui conduisent des carrières internationales importantes.
Si Mario Biondi sait rendre hommage avec talent à des auteurs tels que à Al Kooper (la version de I Can’t Keep From Cryin’ Sometimes est à couper le souffle), à l’incontournable Bill Withers "I’m her Dady" et aux créateurs de la bossa nova, il n’est est pas moins un auteur de qualité. Il signe en effet non seulement le titre "This is what you are" qui est devenu un énorme « tube » mais également deux autres titres, le premier "No Mercy For me" sensuel et langoureux, l’autre "Gig" aussi élégant que swing.
Pour faire court, entendre chanter et swinguer Mario Biondi fait du bien aux oreilles et à l’âme
Fabrizio Bosso (trompette), Daniele Scannapieco (saxophone ténor), Luca Mannutza (piano), Pietro Ciancaglini (contrebasse) et Lorenzo Tucci (batterie).
Egalement à écouter : If (2009)
Extrait : This Is What You Are
mardi 30 mars 2010
AVISHAI COHEN / Aurora (2009)
Mon premier coup de coeur sera pour ce contrebassiste Israélien
rencontré à Marciac cet été. Compositeur avant tout, il est désormais le
porte drapeau d'un jazz moderne et décomplexé. Son inspiration, fruit
d'un métissage dense et émouvant, il la trouve dans ses racines, son
histoire.
Aurora est son dixième opus mais le premier sur lequel ce bassiste et pianiste de grande classe s'essaye, avec bonheur, au chant. Plus consensuel que dans ses précédentes productions, il sait installer un climat en quelques secondes et émouvoir en trois notes.
Mélant des thèmes moyen-orientaux, percussions indiennes, rythmes d'Europe de l'Est, c'est d'une voix douce qu'il module des textes en anglais, hébreu et ladino. Sa musique est faite de retenue, de pudeur et de sincérité manifeste à l'image de ce qu'il montre dans ses concerts.
Outre Shai Maestro (piano), Hamar Doari (percussions), Amos Hoffman (oud), Karen Malka (chant), on a plaisir à retrouver les frères Belmondo sur quelques pistes.
Egalement à écouter : Gently Disturbed (2007)
Extrait : El Hatzipor